Manuel sur la collecte de données / Phase Deux A: Conception du projet

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Concevoir un projet ou un programme dans un milieu en constante évolution peut s’avérer difficile. Le contexte du projet est souvent complexe et implique de nombreux acteurs et facteurs différents. Pour cette raison, il est important de fonder la conception d’un projet sur une compréhension du contexte et de choisir une démarche de flexibilité plutôt que d’immobilisme. Des adaptations peuvent ainsi être effectuées en cas de besoin. Même un projet de collecte de données relativement simple doit garder à l’esprit quels seront les acteurs impliqués et quels sont les problèmes et opportunités existants, au début et jusqu’à la fin. Les méthodes décrites dans cet article concernent non seulement l’optimisation des résultats de la conception et de la mise en oeuvre du projet, mais aussi soulignent l’importance du processus en soi, qui aide les acteurs à s’aligner et à s’approprier le projet. Le processus devrait être soigneusement documenté afin de définir les leçons retenues pouvant être partagées au sein du secteur et utilisées pour alimenter de futurs projets. Cette approche de la conception de projet repose sur la Théorie du Changement (TdC), une méthodologie qui permet de structurer la réalité et de comprendre comment le projet peut amorcer un processus de changement1.

Cet article donne des suggestions sur les trois étapes de la conception d’un projet : comment faire une analyse du contenu (première étape), comment élaborer une TdC (deuxième étape) et comment créer un cadre de suivi (troisième étape). Avant d’entrer dans les détails, cet article donne un bref aperçu des trois étapes et une introduction à la méthodologie de la théorie du changement. Voir le glossaire du manuel pour connaître les définitions de chaque niveau de développement.

Introduction à la conception du projet fondée sur la théorie du changement

L’élaboration d’une théorie du changement (TdC) permet de structurer la réalité et de comprendre comment le projet peut amorcer un processus de changement. Si un certain objectif est envisagé, auquel vous souhaitez contribuer en tant que projet, une TdC vous aide à comprendre les différents résultats que vous devez obtenir pour atteindre cet objectif et comment ces résultats sont liés. Alors que le terme objectif se réfère au changement ultime auquel le projet vise à contribuer, les résultats sont des changements qui doivent se produire en amont. L’élaboration d’une TdC avec tous les acteurs se traduira par une compréhension et une copropriété commune du projet et facilitera la planification participative des activités. Cela permettra également de découvrir ce que vous voulez collectivement apprendre et, par conséquent, de décider ce que vous voulez suivre pendant le projet.

Bien que cet article présente les étapes en séquence, en réalité, les trois se chevauchent et sont de nature circulaire. Par exemple, le contexte, les problèmes et les opportunités doivent être pris en considération pour pouvoir cartographier tous les acteurs concernés, car vous pourriez vous rendre compte après l’analyse du contexte que certains acteurs importants ont été oubliés. Chaque étape de la conception d’un projet basée sur la TdC peut permettre de réaliser que quelque chose a manqué ou n’a pas été suffisamment claire dans une étape préalable et ainsi nécessiter des révisions.


Concevoir un projet en trois étapes

Première étape : Analyser le contexte
Avant d’élaborer la TdC, il faut avoir une compréhension approfondie et commune du contexte du projet. Par conséquent, il est conseillé de commencer par une analyse du contexte, qui consiste en une analyse des facteurs, des problèmes et des acteurs, et une carte des résultats.

Deuxième étape : Elaborer la théorie du changement

Il faut définir l’objectif à atteindre ou auquel le projet contribuera et réfléchir : Quels résultats doivent être réalisés pour atteindre l’objectif et comment sont-ils interconnectés ? Quelles stratégies aideront à obtenir ces résultats ? S’assurer que toutes les hypothèses sousjacentes sont enregistrées et clairement exprimées.

Troisième étape : Définir un cadre de suivi

En se basant sur la TdC, il faut convenir collectivement des principaux résultats attendus (et de l’objectif) que tous les acteurs souhaitent surveiller. Pour ceux-ci, il faut définir un cadre de planification, de suivi, d’évaluation et d’enseignement (PMEL), avec des indicateurs et des moyens de vérification. De plus, il faut faire un suivi des hypothèses de causalité dont vous n’êtes pas certain. La TdC doit être révisée chaque année sur la base des résultats du suivi et ajustée en conséquence.

Remarque : les trois étapes nécessitent une approche très participative en amont pour assurer la pertinence et l’appropriation du projet


Première étape : Analyser le contexte

Avant de concevoir un projet, il est essentiel de comprendre son contexte pour s’assurer que toutes les personnes impliquées ont la même compréhension de la situation et que le projet est conçu pour résoudre les problèmes pertinents avec les bons acteurs. Les analyses du contexte sont souvent sous-traitées à des consultants externes. Cependant, notre expérience montre que certaines connaissances, la compréhension et les connexions acquises par le consultant externe au cours de l’analyse peuvent être perdues lors du transfert des informations. Par conséquent, nous suggérons de faire l’analyse du contexte de manière participative avec des initiés habiles. De cette façon, l’exercice peut se traduire par une compréhension plus profonde et d’une plus grande utilité pour la conception du projet. L’analyse du contexte consiste généralement en deux exercices liés entre eux : cartographie et analyse des acteurs et des facteurs. Il faut, bien sûr, utiliser les analyses existantes pour éviter toute répétition.

Analyse et cartographie des acteurs

L’analyse participative des acteurs permet d’identifier et de cartographier tous les acteurs pertinents, leurs rôles, leurs responsabilités, leurs relations, leurs intérêts et influence / pouvoir relatifs. Il est important que tous les acteurs soient pris en compte, y compris les groupes vulnérables et défavorisés qui pourraient être négligés. Cet exercice est particulièrement utile lorsqu’il est réalisé en groupe ou en atelier et aidera à identifier les acteurs stratégiques à impliquer dans le projet et de quelle manière. Les relations de pouvoir peuvent changer pendant le projet et de nouveaux acteurs peuvent apparaître ou des lacunes dans les connaissances concernant les acteurs existants peuvent être comblées. Il est donc conseillé de revoir régulièrement l’analyse des acteurs.

Les acteurs2 peuvent être classés en trois catégories, qui doivent toutes être prises en compte dans leur analyse et leur cartographie:

1. Les communautés : les personnes qui font directement face au problème et interagissent avec celles qui cherchent à résoudre le problème.

2. La résolution de problèmes : les fonctionnaires, le personnel des organisations non gouvernementales (ONG), qui sont en première ligne, et d’autres personnes sur le terrain.

3. Les politiques et les décideurs : les personnes qui ont accès aux ressources et contrôlent les allocations, ou qui peuvent influencer la prise de décisions.

Des méthodes utiles à une analyse des acteurs consistent à établir une carte des acteurs et une matrice des intérêts et des influences. Une carte des acteurs comporte tous les acteurs pertinents pour la réussite du projet. Ils sont notés sur des cartes avec des codes couleurs (différentes couleurs pour le secteur public, les organisations de la société civile, le secteur privé, les plates-formes / réseaux) et organisés selon leur niveau d’implication active (international, national, régional, district, village). La nature et la force des relations entre les acteurs peuvent être indiquées par des lignes de différentes couleurs et épaisseurs. Cf. la carte des acteurs ci-dessous (Figure 2), volontairement générique et simplifiée pour être utile comme exemple pour tout programme ou projet.


Figure 2. Exemple de cartographie des acteurs


La matrice influences-intérêts dépend de la carte des acteurs, cf. l’exemple générique ci-dessous (Figure 3). Toutes les cartes des acteurs peuvent être tracées sur quatre quadrants de l’axe des y (intérêt) et de l’axe des x (influence), en fonction de leur intérêt pour la réussite du projet spécifique et de leur influence sur la réussite de celui-ci. Des acteurs puissants peuvent également avoir un impact négatif important sur le succès du projet, et il est important de garder cela à l’esprit dès la conception.


Figure 3. Exemple de matrice influences - intérêts


Il faut garder à l’esprit que les structures de pouvoir formelles et informelles doivent être prises en compte pendant la mise en oeuvre des deux exercices.

Ces exercices produisent les informations les plus riches lorsqu’ils sont participatifs. Les discussions générées par les exercices aident à souligner les différentes perspectives au moment où celles-ci peuvent être prises en compte et contribuent à une appropriation conjointe et à un objectif commun pour tous acteurs impliqués.

L’analyse des acteurs est à nouveau mentionnée dans la phase de recherche de données, qui suit la conception. Dans la pratique, l’analyse des acteurs sera généralement réalisée une seule fois, mais comportera deux niveaux de réflexion : tout d’abord comme exercice d’analyse contextuelle pour expliciter tous les acteurs, en se concentrant sur les principaux acteurs et en découvrant leur intérêt et leur influence sur la collecte de données et la prise de décisions basée sur les données du projet. Les questions suivantes se posent pour répondre au deuxième niveau de réflexion :

  • Quelle est leur influence sur le problème ?
  • Comment cette personne pourrait-elle bénéficier du projet ?
  • Que pourrait faire cette personne avec de meilleures données sur le problème ?
  • Comment les données aident-elles maintenant la prise de décisions de cette personne ?
  • Que pourraient-ils faire pour saper le projet ?
  • Quelle est la meilleure façon de les maintenir impliqués ?
  • Comment peuvent-ils contribuer à une solution ?

Analyse factorielle et cartographie

Outre les acteurs, des facteurs externes doivent également être pris en compte lors de la conception d’un projet. Existet- il des facteurs environnementaux, historiques, politiques, culturels ou socio-économiques susceptibles d’avoir un impact sur la réussite du projet et, en retour, l’impact que le projet peut avoir sur ceux-ci ? L’identification de ces facteurs permettra de déterminer les problèmes à résoudre et les opportunités. La documentation de tous les facteurs en jeu aidera à justifier les décisions concernant la portée et l’objectif du projet. Des entretiens avec les principaux acteurs et la recherche de données sont des méthodes utiles pour effectuer une analyse factorielle. Pour plus d’informations sur la recherche de données voir la phase trois de ce manuel.

Une fois terminées l’analyse des acteurs et l’analyse factorielle, les acteurs concernés doivent parvenir à une compréhension commune du problème que le projet tente de résoudre. Quelles sont les causes du problème global et comment sont-elles liées entre elles ? Cela peut aider à visualiser les problèmes et leurs relations causales. Il faut prêter attention aux problèmes qui pourraient être négligés et identifier les lacunes sur la carte. La cartographie des problèmes aidera toutes les personnes impliquées dans le projet à se concentrer sur les facteurs les plus importants.

Une méthode utile pour cartographier les problèmes consiste à créer un arbre des problèmes3 ou un modèle conceptuel (Figure 4). Un modèle conceptuel est élaboré en portant sur des cartes, de manière participative, tous les facteurs (problèmes et opportunités) liés à l’effet souhaité : qu’est ce qui entrave l’obtention de cet effet, pourquoi ne se produit-il pas maintenant, L’étape suivante consiste à regrouper les cartes sur un mur en fonction des thèmes, puis à organiser les cartes et reporter sur une carte les relations de cause à effet. Une telle carte, ou un modèle conceptuel, aide à une compréhension commune des problèmes, de leurs relations entre eux et de leurs causes profondes. Cela peut également permettre de déterminer quelles sont les interventions à mettre en oeuvre pour résoudre les problèmes que le projet tente de résoudre et quelle doit être la portée du projet.


Figure 4. Exemple de modèle conceptuel


Il existe un lien étroit entre la partie analyse des facteurs de l’analyse du contexte et la phase de recherche de la collecte des données, la troisième phase du manuel, qui se concentre sur des questions plus spécifiques concernant la collecte des données et la prise de décisions basée sur ces données :

  • Contexte : Quel est le problème clé à résoudre et pourquoi est-il important ?
  • Environnement : Quels sont les facteurs qui contribuent à ce problème ?
  • Personnes : Quelles sont les personnes directement affectées ?
  • Résolution du problème actuel : Qui travaille déjà sur ce problème ?
  • Période : A quel intervalle de temps les décisions sont-elles prises concernant ce problème ?
  • Données existantes : Quelles données relatives à ce problème existent déjà ?

Références

  1. La taille ou la portée d’un projet influence le temps requis pour analyser le contexte, concevoir une table des matières et créer un programme de surveillance.
  2. La même catégorisation des acteurs est utilisée dans la phase suivante, la recherche de données.
  3. Plus de conseils sur l’élaboration d’un arbre des problèmes : https://www.odi.org/publications/5258-problem-tree-analysis

Remerciements

Auteurs: Anita van der Laan (Akvo.org), Annabelle Poelert (Akvo.org)
Contributeurs: Marten Schoonman (Akvo.org), Karolina Sarna (Akvo.org), Tarryn Quayle (Local Governments for Sustainability Africa (ICLEI Africa)

AfriAlliance

L’Alliance de l’innovation sur l’eau et le climat entre l’Afrique et l’Europe (AfriAlliance) est un projet d’une durée de 5 ans, financé par le Programme européen pour la recherche et l’innovation H2020. Le projet vise à mieux préparer l’Afrique pour faire face aux défis futurs liés au changement climatique en stimulant le partage des connaissances et la collaboration entre les parties prenantes africaines et européennes. Dans ce projet, plutôt que de créer de nouveaux réseaux, les 16 partenaires d’Afrique et de l’Union Européenne consolideront les réseaux existants. Ces réseaux, constitués de chercheurs, de décideurs, de professionnels de terrain, de citoyens et d’autres intervenants clés, seront consolidés pour développer un mécanisme de partage des connaissances efficace et dédié à la résolution des problèmes. Ce processus sera coordonné par une plateforme d’innovation : l’Alliance Afrique-UE d’innovation pour l’Eau et le Climat.
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AfriAlliance est dirigée par l’IHE Delft Institute for Water Education (Directeur de projet : Dr. Uta Wehn) et sa mise en oeuvre court de 2016 à 2021. Le projet a reçu un financement du programme de recherche et d’innovation Horizon 2020 de l’Union Européenne dans le cadre de l’accord de subvention n ° 689162.
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